
Les investisseurs susceptibles de reprendre la compagnie aérienne Alitalia ont menacé mercredi de retirer leur offre si leur plan de sauvetage ne recueille pas le soutien des syndicats. Ils doivent se retrouver jeudi pour prendre leur décision. L'Italie s'interroge encore sur le désastre de la compagnie. Les coupables sont pourtant sous les yeux des Transalpins : syndicats, management et pouvoirs publics, copains et coquins qui ont vécu sans vergogne sur la bête pendant les vingt dernières années.
Les pilotes d'Alitalia représentent une caste dans la caste. Ainsi, ils sont encore 135 pour assurer le fonctionnement de 5 avions cargo, soit 27 par appareil pour effectuer les rotations, c'est-à-dire... 5 fois plus que dans les autres compagnies. Même en ne volant que 571 heures par an, contre 900 heures pour leurs homologues de Ryanair, les comptes ne tournent pas.
Député-pilote salarié
Pour éviter le stress, des taxis prennent et raccompagnent les pilotes à leur domicile. Aux frais de la compagnie. À Venise, ce sont des vedettes qui les accompagnent au Lido dans le très luxueux hôtel des Bains - standing oblige - où fait escale tout le personnel de bord. Les pilotes furent également vainqueurs de ce qui resta dans les mémoires comme "la guerre des couchettes" : sur 17 avions destinés aux vols supérieurs à 11 heures, 4 n'étaient pas dotés de couchettes pour le repos des pilotes. Les syndicats monnayèrent cette absence par une prime de 1.800 euros par mois. Bonus qui fut élargi aux 350 pilotes des 17 long-courriers...
Vols monopolisés par les employés
Faut-il invoquer la malveillance ou l'incompétence pour la décision stratégique de transférer le hub de Rome à Malpensa 2000 ? Malpensa est en compétition avec Turin, Brescia, Gènes et Venise qui offrent des vols pour toute l'Europe. Ses deux pistes distantes l'une de l'autre de 808 mètres - au lieu des 1.200 mètres règlementaires - fonctionnent mal ensemble. Difficile de faire pire ! Et les salariés n'ont jamais accepté ce transfert. Ainsi, 80 % du personnel navigant réside à Rome alors que la capitale ne totalise que 40 % du trafic.Résultat : les vols Rome-Milan du matin et Milan-Rome du soir sont monopolisés par les employés d'Alitalia qui partent travailler ou rentrent chez eux. Autant de sièges en moins pour la clientèle payante. Pour ceux qui seraient contraints de passer la nuit à Milan, Alitalia réserve 600 chambres dans les hôtels de l'aéroport. À l'année.
Un train de vie luxueux qui s'est traduit dans la politique d'embauche. Alors que dans les années 1990, toutes les compagnies du monde réduisaient leur personnel, le vecteur italien engagea 4.520 salariés supplémentaires entre 1996 et 2001. Le 11 Septembre s'abattit sur une Alitalia en sureffectif.
Bureau sans avions
Quand elle n'est pas due à des erreurs stratégiques, la gabegie a des allures cocasses. Ainsi, il existe une commission rétribuée de 8 personnes chargées de trouver un nom à chacun des avions de la compagnie. Un bureau de l'Alitalia avec 15 salariés fut maintenu à Mexico jusqu'en 1999 alors qu'il n'y avait plus de vol pour le Mexique depuis 1985...
Les administrateurs n'ont pas tous les torts. En vingt ans, aucun des dix présidents qui se sont succédé à la tête d'Alitalia n'a terminé son mandat. Démonstration que l'alliance perverse des syndicats et des pouvoirs publics ont eu raison des tentatives de rénovation. Sans toutefois rien changer à la proverbiale générosité de la compagnie. Déjà fameux pour avoir ruiné les chemins de fer transalpins, Giancarlo Cimoli s'alloua un salaire six fois supérieur à celui de ses pairs - présidents d'Air France ou de British Airways. Et lorsqu'il fut limogé et laissa la compagnie dans le chaos, c'est en douceur qu'il atterrit... grâce à un parachute doré de 6 millions d'euros.
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